Irrégularité de l’offre
Le juge du référé a conclu à l’irrégularité d’une offre parce qu’elle avait modifié le plafond de garantie de la prestation d’assurance demandée. Cet élément fondamental du cahier des charges ne peut être touché sous peine de rejet.
Le plafond de garantie
N’entre pas dans la catégorie des réserves, en marché d’assurances, c’est-à-dire des modifications mineures au cahier des charges que peuvent proposer les assureurs dans leur offre. Les marchés d’assurances, du fait de la coexistence de la réglementation du code des marchés publics et du code des assurances, sont souvent un nid à contentieux.
L’hôpital de Falaise vient d’en faire l’expérience. Son appel d’offres pour l’acquisition d’une prestation d’assurance « de la responsabilité hospitalière et des risques annexes » a été annulé en raison de l’irrégularité de l’offre retenue. Dans cette affaire, l’établissement hospitalier avait fixé une limite de garantie tous dommages confondus de 20 millions d’euros par année d’assurance, et des limites des engagements de l’assureur par sinistre de 10 millions d’euros pour les dommages corporels, 500 000 euros pour la gestion des biens des malades et 300 000 euros pour la garantie des objets confiés.
Considérant les demandes de l’hôpital surdimensionnées au regard de son historique en matière de sinistralité, le groupement Yvelin-Axa, attributaire malheureux de l’appel d’offres, a pris l’initiative de rendre une offre caractérisée par des limites de garantie inférieures à celles fixées dans le cahier des charges : 12 millions d’euros pour tous dommages confondus par année d’assurance, 6 millions d’euros pour les dommages corporels, 305 000 euros pour la gestion des biens des malades et 153 000 euros pour la garantie des objets confiés. Sans surprise, la SHAM, son concurrent qui avait, pour sa part, scrupuleusement respecté les exigences du cahier des charges, a demandé et obtenu l’annulation de l’appel d’offres. Distinction entre réserves et non conformités.
Quel est l’intérêt de ce référé ?
L’intérêt de ce référé, c’est qu’il aborde la question des réserves et des non-conformités au cahier des charges. En effet, dans le secteur particulier des assurances, plusieurs tribunaux administratifs ont admis par le passé que les candidats puissent émettre des réserves sur les exigences du cahier des charges et proposent, sur certains aspects, des modifications. C’est dans cette logique que le groupement Yvelin-Axa a modifié le plafond de garantie demandé par le pouvoir adjudicateur. Mais en ne respectant les demandes fixées par le centre hospitalier, le juge a considéré que l’offre litigieuse était irrégulière et aurait du, de ce fait, être rejetée, en application des dispositions de l’article 53 du CMP.
Pour Marie Berrezai, avocate de l’hôpital Falaise, la décision est contestable : « Le juge a appliqué strictement le code des marchés publics sans prendre en considération les spécificités du secteur des assurances et la circulaire du 24 décembre 2007 sur les marchés publics d’assurance qui considère que les réserves ne doivent pas conduire systématiquement au rejet de l’offre. Les TA de Rennes et de Besançon, respectivement du 7 janvier 2011 et du 21 décembre 2010 ont déjà admis les réserves », soutient-elle. De fait, le TA de Besançon a expressément admis que les dérogations au cahier des charges ne devaient pas se traduire systématiquement par une minoration de la note attribuée. Dans le même sens, le TA de Rennes a affirmé que ces réserves ne sont pas de nature à rendre l’offre irrégulière.
Les plafonds de garantie : un élément fondamental du CCAP « Il faut distinguer les réserves des non-conformités, lui répond Rodolphe Rayssac, avocat de la SHAM. En l’espèce, AXA a redimensionné les plafonds de garantie et donc « réécrit » le CCAP, en considérant que les plafonds de garanties étaient trop élevés pour le CH Falaise. Or, les plafonds de garantie sont un élément déterminant du cahier des charges, car ils expriment un besoin de l’hôpital. Ce ne sont pas des réserves, mais un changement fondamental du marché. En outre, les offres ne portant sur le même plafond de garantie, le pouvoir adjudicateur ne pouvait les comparer entre elles.
Dans les affaires déjà jugées, les réserves portaient sur des éléments où le risque couvert n’est pas affecté par la modification proposée, tels que le montant des franchises par exemple. Sur ce point, la décision du juge me paraît fondée », commente l’avocat. Il n’en est pas de même concernant la réclamation indemnitaire demandée par la SHAM en raison des chances sérieuses qu’elle avait de remporter le marché : « Le juge a rejeté cette demande en considérant que l’offre de la SHAM s’écartait elle aussi sur certains points du cahier des charges. Cela n’est pas contestable, la SHAM reconnaît ses réserves. Mais elles n’étaient pas constitutives d’une irrégularité. Et, comme nous l’avons évoqué plus haut, elles sont autorisées par le juge administratif (cf TA de Rennes et TA de Besançon) et par la circulaire de 2007.
En considérant que les réserves formulées par la SHAM emportent l’irrégularité et donc l’élimination de son offre, le juge met sur un pied d’égalité les non-conformités d’AXA qui sont majeures avec les réserves de la SHAM, ce que je trouve contestable », avance Maître Rayssac. L’évolution du contentieux devrait affiner dans le futur ce qui relève de la réserve et de la non-conformité des offres, en marché d’assurances.